© Camille Limoges
Éventrer l'oubli
J'ai éventré l'oubli, fugué dans mon passé
Une immersion totale en mes saisons froissées
Où cheminées ne fument plus depuis longtemps
Où chemins sont devenus désert inquiétants
Mémoires des grands champs et des prairies avides
Reliques des plages et horizons liquides
Et je creuse à l'intérieur des mines du temps
Pour n'y trouver que métaux capricieux, tentants
Précieux, mais prenant tout mon courage épuisé
Obstacles d'une quête aux trésors déguisés
Trébucher sur une photographie trop lourde
Explorer le révolu, en perdre sa gourde
Malgré les joies et la variété des cantates
Malheur à nous, hommes vieillissants, on constate
Qu'le destin détient le pouvoir de nous punir...
Comme être un touriste en ses propres souvenirs
De nos tableaux, nous sommes peintres en chômage
Mais si parfois un mot... valait mille images?
© Fanny Crête
Sentiers aériens
Orphelin de l'ambition, en quête de rien
Suspendu entre terre et sentiers aériens
Mes forces physiques tenues au minimal
Des croisades où s'affrontent le bien et le mal
S'échafaudent au dessus de mes lueurs d'espoir
Et mes buts les plus notables se laissent choir
Mes réflexions en croisade, je soliloque
Orateur discutant seul, tel un ventriloque
Tentant d'combattre une certaine magie noire
Pour que la lumière entre en mon imaginoire
Alors, la phobie des pentes raides m'agrippe
Je dois les braver, mais mon courage se fripe
Malgré tout, l'urgence de vivre naît en moi
Et ma flamme à jamais protégée des grands froids
Brûle toute peur pour l'instant d'une seconde
Ma volonté quitte sa phase moribonde
Et une autre fois, mes appréhensions tranchées
L'air peut redescendre le long de ma trachée
© Lucas Blais Gamache
Ricochet
Dans un labyrinthe de béton
J’ai entendu l’écho d’une autre voix
Ricocher en plein dans le mur du son
Comme un fou, ça m’obsède à chaque fois
Dans un corridor de granite
Je fuis le silence qui accable
Le grand vide où tous les hommes gravitent
Les yeux ouverts dans une tempête de sable
© Guillaume P. Trépanier
Je panse, donc je suis
Prolonger le bonheur éphémère équivaut
À retarder malheur imminent qui s'installe
Dans les deux cas, fausseté grimpe d'un niveau
Grande majesté de l'hypocrisie globale
Homme imperméable aux gouttes de vérité
Car je ne suis pas né de la dernière pluie
Plus le temps avance, mieux je sais évité
Les discussions sincères citant l'aujourd'hui
Ma conscience censurée où les remords dansent
Confession malaisée, je panse donc je suis
Déviation pesée, je penche donc je fuis
Placidité de fer face à l'évidence
Acidité de faire place à l'envie dense
De dévoiler ce qui se cache au fond du puits
© Thaïs Barbieux
Apesanteur
J'ai quitté lointaine campagne et sols fertiles
Pour migrer vers la ville aux âmes volatiles
Et j'offrit ma diversité trop mal placée
Au frimât d'hiver, cité aux dalles glacées
Maladresse à être "l'universitaire"
Pour ensuite errer dans l'univers, s'y taire
Confus et déposséder mon regard criait
Je ne peux croire que de ces démons l'art naît
Je me vois obligé de céder mon harnais
Pour plonger dans une toute autre perspective
À la stabilité hautement relative
Mais où mes sens me protègent de la dérive
La vie d'adulte s'impose à mes souvenirs
Et mes amitiés ne font qu'aller ou venir
Je flotte au dessus des vestiges de mes jours
Où dans l'adolescence, je faisais séjour
En apesanteur, divagation sensorielle
et voilà : la tête m'est tombé sur le ciel
© Camille Limoges
En deux temps, trois mouvements
Quand j'me retourne
Vers le passé
Entassé
Dans ma mémoire
Les souv'nirs tournent
Et me laissent voir
Des lieux effacés
Mais j'les contourne
Souliers lassés
Maux tassés
Mis au tiroir
Car je séjourne
Dans un miroir
Au futur tracassé
Et si j'ajourne
Mes mots froissés
Pots cassés
Tous mes déboires
Je me détourne
Sans trop le croire
D'un présent mal placé
© Aurélie Lacroix
Écho
L'écho de mes mémoires multicolores
Fit fondre la glace recouvrant mon cratère
Donc me voilà sur une île éloignée des terres
Et où prospère sont la faune et la flore
Avec maladresse, j'ai créé l'illusion
Le mirage d'un paradis réinventé
En passant par des routes très peu fréquentées
Ma propre légende, sans grande élocution
Songeur, tel un poète pensant à sa muse
Pendant que les gens aux regards vides s'amusent
À jouer inconsciemment de faux rôles (et ça m'use)
J'anticipe un retour à la réalité
Chute de mon état déclaré “alité”
“chut”, ne dis rien, ton rêve est discontinué
© Guillaume P. Trépanier
Le miroir
Et s'il venait à exister un grand miroir
Qui puisse refléter beautés de l'univers
Pour tous les humains forts ayant vécu le noir
La mort imprévue, l'amour esquivé, l'hiver
Le miroir reflèterait de verts feuillages
La mer saphir, le sable blond, le cyan ciel
L'ocre crépuscule, la couleur des âges
Démontrant les merveilles devenues pluriel
Toutes, en réflexions pigmentées de cristal
Et alors, possiblement, l'homme prend conscience
Que malgré tout ce qu'il a pu faire de mal
Dans ce large miroir, il y a sa présence...